Le sexe faible
Loin de moi l'idée de gâcher l'ambiance printanière. Voire estivale.
Mais j'ai trouvé ce week end que cette expression trouvait vraiment toute sa substance.
Sophie Gravaud, retrouvée morte, étranglée, probablement violée, dans un fossé, moitié nue. Elle est restée là 8 jours. Elle sortait juste de son travail, elle allait juste retrouver son petit ami. Elle avait 23 ans. Elle n'était même pas dans un endroit glauque, elle n'avait même pas commis d'imprudence, il ne faisait même presque pas complètement nuit. Elle est morte. D'être une femme. D'avoir un vagin et pas un pénis. Peut être aussi d'avoir eu une carte bleue.
Jeanne Marie, 11 ans. Julie, 14 ans. Hedwige, 37 ans. Mortes en 2004. Retrouvées dans des mares ou des étangs. Violées. Par Pierre Bodein, dont le procès a lieu en ce moment à Strasbourg. Qui fascine tant qu'il a eu droit à des études et des reportages. A envoyé spécial. On a dépêché des envoyés spéciaux, figurez vous. Après bien sûr. On lit dans le journal qu'il a arraché les organes génitaux de Jeanne Marie et d'Hedwige avec un couteau avant leur mort. Julie, la veinarde, s'était, elle, noyée avant. Elles sont mortes toutes les trois, quoi qu'il en soit. Mortes d'avoir été des femmes ou des petites filles. On ne sait même pas comment on s'y prendrait pour arracher les organes génitaux d'un poulet mort. Ben lui, il sait comment le faire sur une femme vivante. Ou sur une petite fille. Et je vous passe les Fourniret et consorts qui font une fixette sur la virginité (il violait les vierges, c'était la seule chose qui l'excitait). Pour les filles qui ne l'étaient plus, Fourniret les traitait de trainées et faisait de même. Je ne veux pas être crue, je ne veux pas être provocante, je ne veux pas être violente. Mais je voudrais qu'on s'indigne. QU'ON S'INDIGNE VRAIMENT. Parce que ces femmes sont mortes d'être des femmes. D'avoir eu un vagin et pas un pénis. De ne pas avoir été assez costaudes pour se défendre. Elles sont mortes d'avoir été le sexe faible. Alors que, le SEXE FAIBLE, ce sont ces malades, ces pervers, ces êtres nauséabonds. Parce que ça peut arriver à toutes mes copines, à toutes les femmes et les petites filles de ma famille. Parce que ça peut m'arriver à moi. Parce que même si je ne suis ni chétive ni fluette, je ne peux pas étrangler un homme. Alors qu'un homme peut m'étrangler. Même si je me débats et si je me défends. Oui, vraiment, je voudrais qu'on s'indigne. Il y a eu une marche de 4000 personnes à Nantes, hier, pour Sophie Gravaud. Indignons nous. S'il vous plait. N'acceptons pas qu'on nous parle des années après des criminels dans Envoyé Spécial en ayant oublié le visage des victimes. Je n'ai pas de solution. Certains brandissent la peine de mort. Je brandirais plutôt le respect de la vraie perpétuité. En tout cas, je voudrais un peu moins de désinvolture chez ceux qui ont le pouvoir de remettre en liberté. Je voudrais que le doute profite aux victimes. Pour une fois. Je voudrais que les femmes cessent d'être des proies. Que les petites filles cessent d'être des proies. Je voudrais que le fait d'avoir un vagin ne soit pas, dans certains cas, une condamnation à mort. Oui, je voudrais qu'on s'indigne. Que cette étiquette de "sexe faible" que l'on nous a collée ne fasse pas de nous des victimes potentielles. Ne fassent pas de nous des soumises éternelles. Même s'il y a la réalité des forces physiques en présence. Mais il y a aussi des hommes bien. Des hommes qui nous traitent comme des porcelaines de limoges.