Monomaniaque
Je suis une obsédée.
Une obsédée de l'obsession.
Il me faut un os à ronger. En permanence.
JE ME FAIS PEUR.
Je remplace une obsession par une autre. Pour fuir une obsession obsédante, je m'en construit une autre, tout aussi obsédante. Et je rumine et je tortille et je tripote. Et, tant qu'à faire, je me rends bien malheureuse. Je mets en valeur toutes mes jolies frustrations. Et quand j'attaque un sujet où il n'y a pas de frustration évidente, je dissèque le truc jusqu'à m'en faire apparaître.
je croyais jusqu'à maintenant que j'étais moitié dingo.
Je crois que je suis dingo tout court.
Alors, au secours !!!
Il y a une semaine, je ne songeais absolument pas à acheter unappartement. Je coulais des jours parfois équivoques dans la plus belle ville du monde, dans un bel appartement (que j'avais trouvé assez moche la première fois que je l'avais vu, soit disant en passant), j'avais un travail relativement sympa qui m'apportait un certain nombre de satisfactions, je n'avais pas de mari mais je n'en voulais plus de toute façon, et j'avais de bons amis.
Une semaine pile plus tard :
Je me suis mis dans la tête d'acheter un appartement. Je me traumatise en me disant que je vais peut être devoir quitter la plus belle ville du monde.
Je me traumatise en me disant que je n'ai pas assez de sous alors que 99% des gens se contenteraient plus que largement de ce que j'ai.
Je ne travaille plus. Puisque j'ai dû visiter 10 appartements en 4 jours.
Je ne dors plus entre 4 et 6h du matin. Puisque je pense à mafuturecuisine ikea.
Je n'ai plus de psy. Puisque j'ai bravement annulé le rendez vous de mardi dernier en me disant que dépenser 70€ supplémentaires chez cette dame qui me maltraite était vraiment inutile. Sachant que j'ai terriblement besoin de ces 70 € pour acheter ce bon sang d'appartement dans la plus belle ville du monde.
Elle m'a appelée aujourd'hui d'ailleurs, vers 10h30, comme ça au milieu de nulle part. Incroyable, j'étais au bureau ! Et je travaillais, même ! Ce qui a dû m'arriver une petite dizaine d'heures cette semaine. Donc elle m'appelle. En me disant : "tiens, j'étais en train de penser à vous et je me disais que, pour rencontrer des hommes, vous devriez aller dans des clubs de chefs d'entreprise".
"Ah oui ?", je dis.
"T'appelles donc que pour me dire ça, là ?", je pense.
Elle me relance, ou quoi ? Elle sent que l'oiseau s'échappe, ou quoi ?
Un réseau de chefs d'entreprise pour trouver unmari ?
Moui.
Sauf que le chef d'entreprise, choupette, comme l'agent immobilier, est rarement célibataire. Alors que le cantonnier l'est souvent, tu remarqueras. Y'a des jobs comme ça.
Plus propices, on dit.
Inversement, lA chef d'entreprise est très souvent célibataire. "Sonpouvoirfaitpeur". Quelle horreur !!
L'agente immobilière aussi, peut être. Mais, faut avouer qu'elle porte nettement moins bien la cravate rose en soie que son collègue équipé masculin. Ben oui.
Cela dit, le monde est divertissant. Et l'humain assez rigolo.
Maintenant que je cherche un appart, j'entends : "ah ben c'est plus facile à trouver qu'unmari !"
Dites moi, si j'en tue un ou deux, d'entrée de jeu, ça va calmer les esprits échauffés ou y'a peu de chance ??
Non, de toute façon, maintenant, je vais employer une toute nouvelle STRATEGIE : je vais me TAIRE.
C'est de l'ordre de l'exploit. Certes.
Parce que, à force de parler, votrehonneur, les gens retiennent plein de choses contre moi. Ou comprennent mal monpropos.
Moi même, quand je m'entends, avec le léger décalage de la retransmission satellite (légère tendance à la schizophrénie qui m'atteint comme un signal d'alarme quand je suis complètement en sur-régime !!), je me fatigue et je retiens des choses contre moi.
Et JE ME FAIS PEUR !!
Donc, je vais me taire.
Décision fut prise hier soir. 23h35.
Parce que je suis certainement dingo, mais les autres, i sont pas mal non plus.
Attention, j'ai l'anecdote qui étaye.
Lundi dernier, repas de fin d'années des escrimeurs de la plus belle ville du monde. Très sympa. Je réussis à caser - pour les 3 esquimaux qui ne le sauraient pas - que je cherche unmari. Et unappart. Au moment du rangement de la salle et des couverts, je plaisante 30 secondes avec uncamarade, marié père de famille, sur le couple etc, je ne sais plus trop quoi, vu que généralement je dis beaucoup de choses et que je n'en retiens que le 10ème.
Il me dit quand même que, passé un certain temps, dans un couple, monsieur préfère largement s'occuper de ses hobbies et madame de sa lessive, que l'un s'occuper de l'autre et vice versa. Moncopain doit avoir moins de 40 ans. Je dis "ohlalallalalalla". Parce que ça m'étonne toujours que certains me décrivent le couple comme ça. Mais bon. Je dis aussi cette phrase bien anodine et qui n'engage à rien : "bon, bah, faudra qu'on poursuive cette conversation". Sachant que , comme vous le savez, je suis toujours avide de comprendre le monde. Et que le copain avait bu plus qu'il ne fallait pour s'atteler à une conversation sérieuse qui ferait avancer l'histoire de la psychologie.
Bon, mais moi, je dis ça, c'est comme ça. Je me pomponne, je joue du décolleté et de l'oeil gauche, c'est comme ça. C'est pas pour perturber. Je dis que je cherche unmari. C'est pas pour trouver !
Ben oui, ben je devrais pas.
Mais je me trouve si peu séduisante et si transparente que je ne pense pas que les autres pourraient me voir.
Suis trop naïve sur ce coup là.
Je l'ai compris hier vers 23h35, donc.
Je rentrais d'une excellente soirée avec moncopain V.
Je me préparais à faire dodo (espérant que mes ambitions immobilières épargneraient monsommeil cette fois) quand monportable sonne. 23h30. Je m'inquiète vaguement. Qui peut bien m'appeler à 23h30 ??
Un numéro que je ne connais pas.
Bizarre.
Je réponds.
C'est le copain de la soirée d'escrime.
Incongru. Carrément incongru.
M'a jamais appelée. Encore moins à 23h30. D'ailleurs, je ne lui ai jamais donné mon numéro.
La voix que je détecte légèrement pâteuse, il m'explique que c'est une copine qui lui a donné monnuméro. Ok. Qu'il pensait tomber sur mamessagerie. Visiblement, ça ne l'arrange pas de tomber en direct. Ben tant pis, hein ?!
Me dit : "tu voulais qu'on poursuive la conversation. Voilà, je t'appelle pour poursuivre la conversation."
?????????????????????????????????????????
Mais, QUELLE CONVERSATION ????
"Ben la conversation de lundi".
????????????? A 23h30 ? Un jeudi soir ?
C'est à dire que je n'avais pas vraiment saisi l'urgence et l'importance d'ouvrir ce débat.
Je m'étonne. Je parle fort, un ton au dessus. Je m'entends. Je me déplais.
Mais, surtout, je M'INTERROGE...
Mais pourquoi m'appelle-t-il ?????
S'engage un début de conversation on ne peut plus space. Très vite, je comprends que j'en ai trop dit à cette soirée. Que le type, à défaut de me trouver le package appartement/mari me trouverait bien le lot de consolation "amant très marié qui s'emmerde chez lui".
Ouhlalallalallalallalallalallalala.
Mais où ça m'emmène, ça ???
Surtout, je pense à madame qui doit dormir. A 2 cm. Pendant que sonmari appelle une vague copine de l'escrime qui cherche unmec.
Ca me dégoûte.
Je mets un terme à la conversation assez rapidement. Dans la pirouette et dans l'humour. Je me dis : "il est gonflé celui là !!".
Et puis je me dis que c'est de mafaute. A jouer les ingénues et les petites filles perdues en manque, forcément, je dois envoyer des messages. Contraires à mavolonté...
Pensez bien que je n'ai pas envie d'un mec marié en double file !
Aussi, à force d'avoir des meilleurs amis et d'avoir l'air d'un meuble, j'avais cru que les hommes ne me voyaient pas...
Non non, désormais, c'est décidé, je me tais. Et je me calme.
Mais, aussi, les voix (les voies ??) de la sérénité sont si impénétrables...