Analyses
On me reproche souvent de vouloir tout analyser, tout comprendre.
J'aime la psychanalyse, l'ultime analyse, l'ultime compréhension.
Depuis une semaine, la vie me contraint à laisser derrière moi des choses et des gens.
Mon amie V, avec laquelle je passais la plupart de mon temps libre depuis un an m'a rayée de la carte, ne veut plus entendre parler de moi.
Comme ça, d'un trait.
Heureusement, je n'ai pas perdu mon amie S, que je croyais avoir perdue aussi. Heureusement, nous avons su nous parler et essayer de nous comprendre.
J'ai eu un sentiment d'étouffement. Alors je suis vite allée acheter un livre.
N'importe lequel, à vrai dire. Celui qui m'aiderait à m'évader et celui qui m'aiderait à comprendre.
Je suis tombée sur ce livre : "Récits de divan, propos de fauteuil" de Sophie Carquain et Maryse Vaillant (éd. Albin Michel). Le titre est nul mais il ne faut pas s'y arrêter. Ce sont des récits d'analyse.
J'aime la psychanalyse. La psychanalyse m'intéresse. Moi qui aime les signes et les symboles et les associations, les rêves et les libertinages de l'inconscient, je ne peux qu'être attirée par une discipline qui n'est faite que de ça.
J'ai fait une première "tranche" il y a une dizaine d'années.
J'ai toujours plus ou moins su que je n'en avais pas vraiment terminé mais qu'il me fallait faire un break.
En lisant ce livre, je me suis rendu compte que j'avais envie, peut être, de continuer mon histoire avec cette discipline. Que j'avais encore des choses à comprendre, des petits cailloux à semer.
Mes petits cailloux à moi ne me servent pas à revenir en arrière au cas où, mes petits cailloux me servent à laisser le passé derrière moi et à m'emmener où je vais.
Cette amie m'a obligée à la laisser derrière puisqu'elle a fait ce choix pour nous deux.
J'ai aussi croisé monaméricain, ce même week end.
En matière de symbolique, c'était fort : j'étais à vélo, d'allure sportive, les cheveux lâchés, le sac en bandoulière, arrêtée au feu rouge. Il a traversé, accompagné d'une dame. Qui m'a paru très "dame" justement. Brune, sophistiquée, plus âgée, très femme. L'inverse de moi. Ils allaient se promener. La balade habituelle, le parc Monceau et tutti quanti, à se raconter la vie. Comme nous faisions lui et moi à notre époque. Une fois une brune, une fois une blonde. J'imagine que nous sommes toutes interchangeables, puisqu'il fait la même chose avec toutes et qu'il semble avoir la même attitude à chaque fois, l'oeil mystérieux et le sourire béat.
La symbolique était forte : ces bandes blanches qu'il traversait devant moi, sans un regard, inquiet peut être que je puisse le hêler en telle compagnie. Et moi, sur mon vélo, partant, cheveux au vent, pédalant de toutes mes forces pour monter la côte.
J'avais l'impression de le laisser derrière moi.
Sans lui en vouloir, sans le vouloir vraiment, juste parce que c'est comme ça. Comme avec ma copine V.
I don't care anymore.
Les bandes blanches perpendiculaires à moi, zébrures qui devaient nous séparer pour toujours. Lui à pieds, moi à vélo.
C'est idiot mais j'aime cette symbolique des bandes blanches.
Ensuite, j'ai eu mal. Mal comme un coup que l'on se prend. Mal le temps que ça s'estompe. Après, quand mon rythme cardiaque s'est calmé, je me suis dit que je m'en serais bien passé, de cette rencontre encore à la minute près.
Mais, finalement, si elles sont toujours à la minute près, ces rencontres, c'est qu'elles ont un rôle à jouer, c'est qu'elles s'appuient sur des symboles et qu'elles disent quelque chose. A moi de savoir décrypter.
Ces zébrures, ces hachures, ces lignes parallèles qui étaient perpendiculaires à moi, ce sont des signes que nos chemins vont dans des directions opposées. Signe que je dois laisser derrière.
A vrai dire, ça fait un bon moment, maintenant, que je l'ai laissé derrière.
Mais j'aime bien l'idée qu'une symbolique forte soit venue parachever le tableau.
Rigolez, rigolez, j'ai besoin de ces analyses, de ces symboles.
Rigolez, rigolez, mais ce livre me fait du bien, comme s'il me rassurait, comme s'il me réconciliait avec une de mes dimensions.
Je ne veux pas faire de choix hâtif (vous remarquez que, même si c'est toujours ma première pensée, je n'écris plus "j'ai décidé" ou "j'ai pris la décision" ? Maintenant, je m'efforce de faire des choix), mais peut être, si mes finances et mon emploi du temps me le permettent et si je trouve la bonne personne, vais je songer à m'allonger à nouveau sur un divan. Pas avec un psy bidon à 80€ de l'heure, non, sur un divan, pour un vrai travail anaylitique. Pour une deuxième tranche.
Je suis à un tournant, je me dis qu'il faut peut être que je me donne ce coup de pouce qui m'aiderait.
Ma copine S m'a dit : "tu veux soigner les gens qui ne te demandent rien. Tu veux changer leur vie alors que, eux, ne veulent pas du tout la changer, laisse les tranquilles !".
Elle a raison. Ca m'a fait beaucoup réfléchir.
Et j'ai compris un truc : je veux soigner les autres pour me soigner moi même. Je veux soigner les autres parce que ma mère est infirmière. En soignant les autres, je me soigne et, surtout, je suis ma mère qui me soigne, moi.
J'ai un ami, je crois qu'il fait pareil.
Voilà, ce sont les petits méli mélo de la psychanalyse, obtenus par le symbole et par les fils que l'on tire et les pelotes que l'on dévide. Et ça aide à s'aimer soi même et à aimer les autres. Ca aide à se réconcilier avec soi même et à faire la paix avec les autres.
Ca aide à laisser les démons en paix.
Ma mère n'aime pas trop que je manipule tous ces symboles car elle sait qu'elle est impliquée et elle pense que je lui en veux. Mais ce n'est pas vrai du tout que je lui en veux, pas du tout. Je cherche juste à semer mes petits cailloux pour avoir la vie la plus jolie possible.
Apprendre et comprendre pour être libre, c'est une belle perspective, non ?